Cette signature, la plus célèbre du monde au XIXe siècle, a marqué un tournant décisif dans l’évolution de la facture d’orgue en créant un nouveau type d’instrument qu’il est convenu d’appeler « orgue romantique » ou « orgue symphonique », pour lequel de grands compositeurs comme Franck, Guilmant, Gigout, Widor, Vierne, Dupré ont écrit leurs plus belles pages.
La Chapelle des Carmes de Monaco peut se prévaloir d'un privilège rare : celui de posséder un authentique orgue Cavaiîlé-Coll, aujourd'hui classé Monument Historique
Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899).
est l’un des plus prestigieux facteurs d’orgue de l’Europe du XIXe siècle. Né le 4 février 1811 à Montpellier dans une famille d’organiers, c’est tout naturellement qu’il fait très tôt son apprentissage dans cette profession.
Remarqué par l’illustre Rossini qui l’invite à Paris, il a 22 ans lorsqu’il se présente à l’appel d’offre et emporte le marché pour la fabrication de l’orgue de l’église de Saint-Denis. C’est ainsi qu’il va signer les plus beaux instruments des principaux édifices religieux de Paris : Notre-Dame, Saint-Sulpice, le Sacré- Cœur, la Madeleine… Au cours de sa longue carrière, il construit ou restaure six cents orgues à travers le monde, sans oublier les célèbres instruments de province : Toulouse, Saint-Omer, Castelnaudary, Bayeux, Epernay, Lyon, Orléans…
Parallèlement, Cavaillé-Coll construit aussi des instruments de taille plus modeste pour l’accompagnement ou le chœur. C’est le cas de celui de la chapelle des Carmes de Monaco.
Cavaillé-Coll va donner aux compositeurs romantiques l’instrument qui leur manquait au début du XIXe siècle. Il le conçoit à la manière d’un orchestre symphonique de son époque : de grandes masses sonores qui s’ajoutent ou se retranchent, mais toujours en se fondant les unes dans les autres.
Soucieux d’apports techniques et ingénieur à l’intuition remarquable, Aristide Cavaillé-Coll s’est emparé des techniques de son temps qu’il a contribué aussi parfois à améliorer, particulièrement dans le domaine de l’acoustique. Cavaillé-Coll est à l’orgue ce que Stradivarius fut au violon : c’est de la haute technologie du XIXe siècle.
Tout commence à Montélimar : un couvent de Carmes y est fondé en 1 868, dans le quartier du Fust. Après les premières années de construction et d’aménagement, les Carmes sentent le besoin d’ajouter une nouvelle dimension à la vie liturgique de leur Chapelle. C’est ainsi qu’ils s’adressent à la maison Cavaillé- Coll, la firme la plus prestigieuse de l’époque, et passent commande pour un instrument adapté aux dimensions de la Chapelle. Ce sera un instrument de type orgue de chœur, avec deux claviers, pédalier et dix jeux. Le prix convenu est de 13.200 francs, somme considérable pour l’époque. L’orgue est livré au Couvent de Montélimar le 25 mai 1 873.
Pendant quelques années cet orgue remplit ses fonctions jusqu’à la dissolution des ordres religieux au début du XXe siècle. En 1902 se termine la présence des Carmes à Montélimar. Le bel orgue restera silencieux pendant 24 ans.
L'orgue arrive en Principauté
En 1926 les pourparlers pour récupérer l’orgue arrivent à bon terme. Il sera transféré à Monaco où tout est prêt pour l’accueillir.
Parfaitement adapté à la taille de la Chapelle, on lui réserve la place du côté de l’épître, entre deux colonnes qui soutiennent l’un des arcs de la voûte latérale. C’est l’espace juste pour placer la console et la façade de l’orgue, en suivant la ligne des piliers, occupant le vide de l’arc ; le reste de la caisse et de la tuyauterie s’installent derrière, discrètement. La communauté se situe dans le chœur à proximité de l’orgue ; ainsi s’assemblent les sons des voix des Frères et celui de l’orgue, en rendant l’unité à la musique.
On peut résumer en trois mots les qualités de cet orgue : « Noblesse, finesse et rondeur du son ».
Nouvel aménagement de la Chapelle et de l'orgue
L’ancienne Chapelle des Carmes de Monaco démolie en 1998 laisse la place à une nouvelle église, inaugurée le 28 avril 2002. Deux éléments relient les deux églises et marquent leur continuité : les vitraux et l’orgue, la lumière et la musique, la vue et l’ouïe.
Pour sa réinstallation, l’orgue a été entièrement restauré par la Manufacture d’Orgues Thomas (Ster-Francorchamps, Belgique) et inauguré le 27 janvier 2004. L’âme de l’ancienne chapelle est préservée.
Description de l'orgue
L’instrument comprend deux claviers manuels d’une tessiture de 4 octaves et une quarte, soit 54 notes, un pédalier d’une octave et une quinte, soit 20 notes.
Il compte 1 0 jeux, une boîte expressive, un tremblant, les tirasses Grand-Orgue et Récit, l’accouplement. La traction est entièrement mécanique.
Bien qu’il soit équipé d’une soufflerie électrique, la soufflerie manuelle a été soigneusement préservée et restaurée, si bien qu’il est le seul orgue de la région pouvant parfaitement fonctionner sans électricité !
Clavier du Grand-Orgue :
- Montre 8 pieds
- Flûte harmonique 8 pieds
- Prestant 4 pieds
- Bourdon 16pieds
Clavier de Récit expressif :
- Viole de Gambe 8 pieds
- Voix Céleste 8 pieds
- Trompette 8 pieds
- Basse de Clairon 4 pieds
- Dessus de Hautbois 8 pieds
- Plein Jeux harmonique ll-IV rangs
- Flûte octaviante 4 pieds